26 janvier 2007

La BNUE se prépare ?

J'ai parlé précédemment d'un appel à testeurs sur Gallica. L'appel disait : "Donnez votre avis sur une nouvelle interface de consultation de bibliothèque numérique". J'en avais conclu qu'il s'agissait de faire évoluer Gallica.
J'ai reçu une invitation à la réunion de lancement mercredi prochain (31 janvier) à la BnF, et le courriel était plus explicite : il s'agit en réalité de l'interface future de la future BNUE.
A vrai dire, ce n'était pas vraiment mon intention de me joindre à ce projet (je l'ai souhaité, un temps lointain...), mais ce sera peut-être l'occasion de demander la raison de l'observation suivante :
  1. Quand on cherche BNUE (ou Bibliothèque numérique européenne) dans Libworm, moteur de recherche de la biblioblogspohère, les billets qui tombent sont naturellement tous francophones, et mentionnent tous le projet piloté (développé ?) par la BnF.
  2. Quand on utilise la traduction anglaise de ces termes, id est : European Digital Library, on ne tombe naturellement que sur des réponses en anglais. Mais curieusement elles ne font pas du tout référence au même projet !
Elles renvoient toutes à EDL Projet, qui associe clairement plusieurs bibliothèques nationales, et la France n'est pas dedans... EDL Project a l'air beaucoup plus lié à TEL, The European Library (les interfaces se ressemblent beaucoup, en tout cas).
Donc j'en tire deux remarques :
  1. Malgré toutes les critiques que la biblioblogosphère adresse au projet de BNUE, elle a tout de même les yeux tournés vers ce projet, et uniquement ce projet. Les bibliothèques françaises ne paraissent absolument pas avoir connaissance du EDL Project.
  2. Dans l'autre sens, aucun professionnel européen ne paraît s'intéresser, ou même connaître, le projet BNUE de la BnF.
Alors comme je n'ose imaginer que ces deux projets (coûteux) s'ignorent complètement, j'espère et je souhaite ardemment avoir prochainement une réponse pleine d'optimisme qui me convaincra que l'on n'est pas, même dans les bibliothèques, sot à ce point-là.

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19 janvier 2007

Un nouvel article Wikipédia

Ca y est, je me suis enfin décidé à rédiger l'embryon de début d'article Numismatique médiévale sur la Wikipédia.
Actuellement, je n'ai fait qu'y brasser à grands traits le contexte, avec toutes sortes de fautes de toutes sortes de genres, mais le plus dur était de mettre une trame de départ. Les corrections suivront ensuite, je l'espère, et surtout la ramification, la mise en réseau entre articles.
Il faut construire des liens vers cette page depuis d'autres articles, et revoir complètement la structure de celui-ci, qui est constitué à l'heure actuelle de blocs de paragraphes. C'est assez sinistre en tant que tel.
Il faut aussi fournir tout un tas de liens en bas d'article.
En outre, cela m'a donné d'autres idées. Je me suis rendu compte que l'article Gros (comme monnaie créée par Saint Louis) n'existait pas encore, non plus que l'article Bimétallisme.
En outre, cet article ne remplace pas deux articles non encore existants : Numismatique seigneuriale (si on pouvait arrêter avec les "monnaies féodales", ce serait une bonne chose) et Numismatique royale.
Bref, il reste beaucoup à faire. Mais déjà cela me semble moins lointain, puisque la première pierre est fondée

Zotero compatible avec Word ?

Je traduit (vaguement) le dernier message publié sur le blog de Zotero :

Nous invitons les utilisateur à essayer la version alpha de l'intégration Zotero-MS Word. Cette version préliminaire supporte les formats MLA et APA pour les citations dans le texte et en bibliographie, ainsi que la mise en forme de Chicago pour les notices de bas de page, les citations dans le texte et les bibliographies. Il y a encore des problèmes à reprendre, mais nous savons combien cette fonction est importante pour de nombreux utilisateurs et voulions permettre aux gens de jouer avec dès à présent.

Le plugin a été testé avec Word 2004 pour Mac et Word 2002 (XP) et 2003 pour Windows. Pour installer cette macro, vous devez d'abord télécharger le modèle approprié :

Download Mac version (26KB)
Download Windows version (28KB)

Une fois le téléchargement effectué, vous devez ouvrir le fichier ZIP (Windows) ou DMG (Mac). Vous devriez alors voir le fichier Zotero.dot. Il faut le placer dans le fichier de démarrage de Microsoft Word. Pour les utilisateurs de Mac ce devrait être : /Applications/Microsoft Office 2004/Office/Startup/Word. Pour ceux de Windows : C:\Documents and Settings\::utilisateur::\Application Data\Microsoft\Word\DÉMARRAGE. Démarrez (ou redémarrez) ensuite Word pour commencer à utiliser le plugin. (Rq : Vous pouvez ensuite supprimer le fichier ZIP ou DMG)
Vous devriez désormais voir apparaître de nouvelles icônes () sur votre barre d'outils MS Word. Ces trois boutons vous permettent de gérer les références bibliographiques dans vos documents Word. Si vous ne les voyez pas, ouvrez la fenêtre Outils < Modèles et compléments, et assurez vous que Zotero est coché.

La suite ici...

Je n'ai pas encore testé la chose : je l'ai juste installé. Mais j'avoue que je me réjouis d'avance (on a des satisfactions simples, parfois !)

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12 janvier 2007

Les commentaires des blogs

Je viens de faire une découverte singulière : les moteurs de recherche n'indexent pas les commentaires postés dans les blogs1. Pourtant
  1. Les commentaires peuvent avoir un contenu tout aussi riche que le billet lui-même. C'est le lieu de la discussion.
  2. Les commentaires sont typiquement l'endroit où se développe la notion de communauté de bloggers. Or il m'est impossible de savoir, pour un auteur de blog donné, de savoir sur quels blogs il a pu laisser des commentaires.
Je pense (plus honnêtement : j'espère) que ce dernier outil finira pas émerger, d'une manière ou d'une autre. Car je suppute que certains internautes trouvent leur identité dans la rédaction de commentaires (pourquoi créer un blog de plus ? il y en a déjà tant et tant !). Il pourrait être très intéressant de récupérer leur "production" sous forme de liste de résultats : tous les commentaires postés par Untel, référencés par Google Blog Search ou Ask.com Blogs et Flux.
Bon, ce n'est pas forcément une priorité. Cela dit, la non-indexation des commentaires (dont je suppose qu'elle est techniquement faisable, puisqu'il y a des fils RSS sur les commentaires, pour certains éditeurs de blogs) ne devrait pas trop poser de problèmes.

1. Du moins pas systématiquement : j'ai retrouvé des billets sur Aixtal dont les commentaires sont indexés.

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Zotero : mode d'emploi en français

Tout récemment, Zotero s'est équipé d'une nouvelle version avec interface en français (une bonne partie, du moins). A présent, un mode d'emploi, en français encore, de 9 pages. C'est le CIERA qui s'y est collé (Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne). J'avoue d'ailleurs avoir un peu de mal à comprendre pourquoi (pourquoi eux, je veux dire ?), mais en tout cas je les en remercie (comme le fait l'équipe de développement de Zotero, d'ailleurs.
A cette nouveauté s'ajoute une mise à jour des sites compatibles pour la récupération automatique de notices sur Zotero. Notamment, la remarque de Nicolas Morin sur l'impossibilité de charger des notices d'Amazon.fr (obligation de passer sur l'interface en anglais) ne tient plus. Bon, ça ne marche pas encore très bien avec les Opac en français, ça ne marche pas avec Bn-Opale Plus ni avec le Sudoc. Mais ça viendra1...

1. Pour le Sudoc, Symablog a réussi à installer un "translator" pour le dialogue Sudoc-Zotero. Mais je n'ai pas encore réussi à l'installer : un message d'erreurs sur le nombre de colonnes dans la table, apparemment.

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10 janvier 2007

Quelques nouveautés dans Gallica

Quand je parle de "nouveautés", j'ignore en réalité la date de leur apparition. Janvier 2007 ? Ou octobre 2006 ? Entre les deux, sans doute (à moins que je n'aie pas remarqué ces innovations la dernière fois que je suis allé sur Gallica ?).
Courageusement, malgré ce que j'en pense, j'ai feuilleté la liste des nouveaux documents numérisés pour décembre 2006.
En tête de liste (n° 1-72) et en bas de liste (5979-5984) on trouve des titres avec l'icône Consulter sur Internet, qui signifie que les documents numérisés sont ailleurs que sur Gallica, mais indexés dans son moteur de recherche. Toutes les ressources accompagnées de cette icône proviennent des collections de la BIUM.
J'ai déniché une ressource externe à Gallica dans la liste des nouveautés du mois d'octobre, mais avec une autre icône : Sur interner. Elle vient du CNAM et est bien isolée. Et rien de tel en septembre.
Gallica est-elle censée devenir la bibliothèque numérique collective française (ou plutôt le catalogue collectif des bibliothèques numériques), englobée elle-même dans la BNUE ?
Autre symptôme : l'onglet "Recherche" pointe sur http://gallica.bnf.fr/Metacata.htm
Métacatalogue, donc.
Je ne trouve aucune mention là-dessus dans la page de présentation de Gallica, non plus que sur le web (rien qui soit référencé par Wikio, Google Blog Search, ni Ask.com - Bon, j'ai peut-être mal formulé ma requête).
Enfin, Gallica lance un appel à testeurs pour faire évoluer son "interface de consultation". J'espère que dans cette expression ils comprennent aussi l'interface d'interrogation. Je ne désespère pas de voir apparaître des fils RSS d'une part, et un encart unique de recherche d'autre part, pour disposer enfin d'un plugin OpenSearch ou d'un raccourci de recherche (ils pourraient y songer aussi pour le Sudoc, d'ailleurs).
Que faut-il penser de toutes ces constatations ?

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03 janvier 2007

Faut-il rebaptiser le "châtel tournois" ?

[Remarque préliminaire : ce billet étant un peu long, si vous souhaitez l'imprimer je vous conseille l'utilisation de Click2Zap. En cliquant sur ce lien, vous pouvez ensuite cliquer sur des zones de texte pour les supprimer, afin de ne conserver à l'écran que ce ce que vous souhaitez vraiment imprimer]

Ce message est suscité par la constatation que plusieurs numismates mettent progressivement leur collection en ligne, mais en la commentent pas forcément. Quant à moi, n'ayant pas de collection, je ne peux publier que des commentaires. En voici un, rédigé à l'occasion de ma thèse, sur le "châtel tournois", type qui (du moins c'est mon hypothèse à la suite de mes recherches, et je ne suis bien évidemment pas le seul à le croire) est en réalité la représentation d'un reliquaire.
Voici donc un texte rédigé à l'occasion de ma thèse, sur le type tournois. Critiquable à merci, évidemment...
(Rq : cela me donne l'occasion de m'intéresser un peu plus à la matière de la numismatique, et un peu moins aux outils)
[Denier de Saint-Martin de Tours (Poey d'Avant n° 1628)]

Résumé : Un de mes grands principes pour étudier les types iconographiques sur les monnaies, ce n'est pas l'analyse stylistique, ou la recherche du petit détail révélateur, mais avant tout la mise en série : une monnaie se comprend mieux si elle est comparée à un corpus de monnaies de la même époque, ou de la même aire géographique, ou au même type. Avec ce procédé, j'en suis venu à la conclusion que (statistiquement), il est bien plus convaincant de voir dans le "châtel tournois" la représentation d'un reliquaire que d'un château stylisé.

Vers la fin du XIe siècle, la tête de profil frappé dans l'atelier monétaire de Saint-Martin de Tours est abandonnée, pour un nouveau type, de dessin un peu rude, dont la stylisation croissante aboutit au XIIe siècle à la forme classique du type tournois.

Il est vraisemblable que quelques dizaines d’années séparent le temple et le châtel, entre lesquelles est frappé le denier à la tête. Le châtel apparaîtrait peut-être alors seulement au début du XIIe siècle ; cette datation est confirmée par l’apparition du châtel sur les deniers de Foulques V d’Anjou (1109-1131).

a. Petit précis historiographique

Il n’est pas question de retracer toute l’historiographie de ce type dans la production numismatique : rares sont les numismates qui ne s’y sont pas intéressés. Il est cependant nécessaire d’émettre plusieurs remarques. La première est que le terme de « châtel » n’apparaît qu’au XIXe siècle, sous la plume de certains historiens. Ce n’est nullement une désignation contemporaine des pièces elles-mêmes. Au Moyen Age, le type tournois n’est jamais décrit, explicité.

En 1835, Joachim Lelewel, dans une étude sur les types médiévaux, ne fait pas usage de ce mot : il parle de « portail »1. En 1850 en revanche, Benjamin Fillon s’en sert2, de même qu’Anatole de Barthélemy dans son Manuel3. Il s’impose progressivement, jusqu’à faire l’unanimité. L’emploi d’un tel terme influe donc nécessairement sur l’interprétation que l’on en fait.

b. Le temple carolingien et le châtel tournois

Il est extrêmement difficile de dire si le type tournois provient d’une dégénérescence ensuite stabilisée et stylisée du temple carolingien tétrastyle. Les séries monétaires de Tours semblent avoir une rupture iconographique dans le passage de l’un à l’autre, mais les derniers deniers au temple et les premiers deniers au châtel ne semblent pas complètement éloignés. Du reste, il n’est pas sûr que cela ait une réelle importance pour la compréhension du type tournois. En effet, le premier type à la tête de saint Martin (Poey d'Avant, n° 1620) s’est inspiré d’une monnaie représentant Constantin. Qu’y aurait-il d’étonnant alors à ce que le type tournois prenne pour modèle le temple carolingien, sans pour autant que l’intention des graveurs, au XIe siècle, soit encore de représenter ce temple.

Un phénomène doit être pris en compte : la stabilisation du type tournois. Pendant quelques décennies, le dessin du tournois est variable, hésitant. Il se stabilise dans le courant du XIIe siècle, ce qui signifie alors que les graveurs deviennent capables de reproduire un type antérieur, parce qu’ils y reconnaissent « quelque chose ». Ce quelque chose n’est pas nécessairement un objet existant : très souvent, il s’agit d’une forme géométrique, comme quatre annelets disposés en croix, ou la croix melgorienne. Pour le type tournois toutefois, le dessin est trop complexe pour que ce puisse être le cas.

Voir dans ce type un châtel, ou quelque édifice architecture, signifie que le type représente soit un lieu : Châteauneuf, l’abbaye, Tours ; soit un édifice : la basilique, ou l’enceinte qui la protège.

Voici la liste des ateliers épiscopaux et abbatiaux frappant au type de l’édifice, classés par ordre chronologique (les deniers de Saint-Martin n’y sont pas compris) :

    Tableau : Le type de l’édifice sur les monnaies épiscopales

Atelier

Epoque

Province

Type au temple, ou dégénérescence de ce type

Strasbourg

xe siècle

Alsace

non
Strasbourg

xe siècle

Alsace

non
Metz

xe siècle

Lorraine

oui

Metz

xe siècle

Lorraine

oui

Strasbourg

xe siècle

Alsace

non
Strasbourg

xe siècle

Alsace

non
Strasbourg

xe siècle

Alsace

non
Strasbourg

xe siècle

Alsace

non
Laon

xe siècle

Ile-de-France

non

Beauvais

fin Xe siècle

Ile-de-France

non
Metz

fin Xe-début XIe siècle

Lorraine

oui

Metz

fin Xe-début XIe siècle

Lorraine

oui

Soissons

XIe siècle

Ile-de-France

oui

Metz

XIe siècle

Lorraine

oui

Metz

XIe siècle

Lorraine

oui

Metz

XIe siècle

Lorraine

oui

Toul

XIe siècle

Lorraine

non
Verdun

XIe siècle

Lorraine

oui

Verdun

XIe siècle

Lorraine

non
Verdun

XIe siècle

Lorraine

non
Verdun

XIe siècle

Lorraine

non
Metz

XIe siècle

Lorraine

oui

Saint-Dié

XIe siècle

Lorraine

oui

Toul

XIe siècle

Lorraine

non

Toul

fin XIe-début XIIe siècle

Lorraine

non

Toul

fin XIe-début XIIe siècle

Lorraine

non

Verdun

fin XIe-début XIIe siècle

Lorraine

non

Verdun

fin XIe-début XIIe siècle

Lorraine

non

Verdun

fin XIe-début XIIe siècle

Lorraine

non

Verdun

fin XIe-début XIIe siècle

Lorraine

non

Verdun

fin XIe-début XIIe siècle

Lorraine

non

Verdun

fin XIe-début XIIe siècle

Lorraine

non

Verdun

fin XIe-début XIIe siècle

Lorraine

non

Verdun

fin XIe-début XIIe siècle

Lorraine

non

Metz

fin XIe-début XIIe siècle

Lorraine

non

Saint-Trond

fin XIe siècle

Belgique

non

Soissons

XIe-xiie siècles

Ile-de-France

oui

Soissons

XIe-xiie siècles

Ile-de-France

oui

Soissons

XIe-xiie siècles

Ile-de-France

oui

Metz

XIe siècle

Lorraine

non

Saint-Trond

XIIe siècle

Belgique

non

Wissembourg

XIIe-XIVe siècle

Alsace

non

Wissembourg

XIIe-XIVe siècle

Alsace

non

Wissembourg

XIIe-XIVe siècle

Alsace

non

Wissembourg

XIIe-XIVe siècle

Alsace

non

Wissembourg

XIIe-XIVe siècle

Alsace

non

Wissembourg

XIIe-XIVe siècle

Alsace

non

Wissembourg

XIIe-XIVe siècle

Alsace

non

Wissembourg

XIIe-XIVe siècle

Alsace

non

Toul

XIIe siècle

Lorraine

non

Toul

fin XIIe siècle

Lorraine

non

Toul

fin XIIe siècle

Lorraine

non

Strasbourg

fin XIIe siècle

Alsace

non

Toul

fin XIIe-début XIIIe siècle

Lorraine

non

Toul

début XIIIe siècle

Lorraine

non

Besançon

XIIIe siècle

Bourgogne (comté)

non



Cela fait 56 monnaies. L’édifice se trouve tantôt au droit, tantôt au revers (je définis généralement le revers comment la face portant la croix pattée ; quand il n'y a pas de croix pattée, le droit est celui dont la légende porte la titulature de l'émetteur, ou la localisation). Le type tournois est bien isolé, et ce par plusieurs aspects. Géographiquement d’abord, les édifices ne sont représentés que sur les monnaies du Nord et de l’Est : En Bourgogne, Lorraine, Alsace, Picardie.

Ensuite, du point de vue du rapport entre la légende et le type qu’elle entoure, les deniers tournois au « châtel » fonctionnent de façon complètement différente. Si l’on admet que le type désigne un édifice, donc à travers lui un lieu, on a au droit l’édifice en question, et au revers la désignation de ce lieu. Ce n’est jamais ainsi que sont réparties les légendes et les types lorsque la monnaie donne à voir un édifice.

Sur les 56 monnaies, 35 ont un édifice entouré du nom du lieu, soit 62,5 %. Les autres monnaies n’ont pas du tout de nom de lieu ― à trois exceptions près, pour lesquelles le nom de lieu n’est pas mentionné sur la face où apparaît l’édifice : à Beauvais4, Saint-Dié5 et Toul6.

Par ailleurs, sur les deniers perpétuant le type carolingien au temple tétrastyle, la logique est la même : soit le nom de l’atelier n’apparaît pas, soit il apparaît sur la même face que le temple. Le denier de Saint-Dié est le seul qui ne soit pas dans ce cas.

c. Le type tournois et les types hagiographiques

Si l’on repousse l’interprétation du type tournois comme une dégénérescence du temple, ou comme la représentation d’un édifice architectural, la seule hypothèse que l’on puisse proposer, nous semble-t-il, est d’y voir un reliquaire.

Jean Babelon a proposé une autre théorie : il y voit une représentation du temple de Salomon7. Mais aucun élément de nature numismatique ne vient étayer son argumentation.

Il faut à présent voir quel genre de légende entoure les reliquaires et les représentations de saints que l’on peut considérer comme des reliquaires : le buste de saint Mayeul à Souvigny ; le buste de saint Martial dans l’abbaye de Limoges ; la tête de saint Médard dans l’abbaye de Soissons ; la tête de saint Maurice à Vienne ; à Besançon la dextre bénissante. Il n’est nul besoin de publier ici un tableau pour s’en rendre rapidement compte : la représentation du saint est entourée de son nom, précédé le plus souvent de Sanctus, abrégé SCS ou S. Or c’est ce que l’on trouve à Saint-Martin : SCS MARTINVS. Dans presque tous les monnayages cités ci-dessus, on trouve le nom de l’atelier renvoyé au revers : Silviniaco à Souvigny ; Lemovicensis à Limoges ; Maxima Galliarum à Vienne ; Vesontio à Besançon. Et lorsque ce dernier atelier utilise comme type monétaire un motif architectural, il le désigne comme tel autour de l’objet dessiné : Porta Nigra. Seul Saint-Médard ne mentionne pas le nom de Soissons au revers, et pour cause : ce revers sert à inscrire le nom de saint Sébastien.

On pourrait objecter que Sanctus Martinus ne désigne pas le saint, mais le lieu. C’est exclu : le nom du lieu se trouve déjà autour de la croix, et suffit pour les utilisateurs à identifier la monnaie comme venant de Tours.

Si les moines décident de monnayer en faisant valoir la présence de reliques dans leurs murs, pourquoi n’avoir pas employé un type anthropomorphe, comme dans les autres exemples donnés ci-dessus ? Pourquoi avoir abandonné le type à la tête de profil.

A cela, on peut apporter plusieurs hypothèses. La première consiste à dire que le pèlerinage de Saint-Martin de Tours est si fameux que chacun est capable d’identifier dans le type tournois le reliquaire qu’il a pu voir de ses propres yeux le jour où il s’est rendu sur le tombeau du saint. Cela implique que le type numismatique est dessiné directement d’après un objet réel, ce qui n’arrive pas fréquemment.

On peut aussi proposer l’explication suivante : le type tournois découle bien du temple carolingien, mais est fortement déformé, car sa signification n’est au XIe siècle plus comprise. Le dessin hésite un peu, jusqu’à ce que les graveurs parviennent à « identifier » le reliquaire conservé dans la basilique Saint-Martin. A partir de là, ils reconnaissent, comme nous l’avons dit, un objet connu, et le type se stabilise. Un autre exemple similaire se retrouve à Valence entre le XIe et le XIIe siècle : un ange de face, progressivement mal compris, se transforme peu à peu en aigle de face, parfaitement comprise.

L’instabilité d’un type révèle très souvent son incompréhension par ceux qui le représentent : c’est ainsi que la fleur de lis arrive « accidentellement » sur les monnaies des comtes de Blois ; que la crosse apparaît, par déformation d’une lettre de la légende, sur les monnaies épiscopales de Cahors ; que dans l’atelier monétaire de Saint-Médard, saint Sébastien se voit attribuer un étendard comme emblème.

Le dessin du châtel tournois pourrait donc bien provenir du temple tétrastyle, sans pour autant qu’il s’agisse à proprement parler d’une dégénérescence, et sans que les deux types contiennent la même signification.

1 Joachim LELEWEL, La numismatique du Moyen Age considérée sous le rapport du type, Paris, 1835, t. I, 229 p.

2 Benjamin FILLON, Considérations historiques et artistiques sur les monnaies de France, Fontenay-Vendée, Robuchon, 1850, xi-251 p., iv pl.

4 Caron, n° 10.

7 Jean BABELON, « Le temple ou le châtel », BSFN, 1968, n° 7-8, p. 309-313.

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