23 mars 2007

Synthèse typologique des monnaies capétiennes (jusqu'en 1200)

Après les Mérovingiens, j'ai évidemment aussi traité rapidement des rois Carolingiens. Mais décidément, je n'y suis pas à l'aise.
En revanche l'inspiration est plus aisément venue à partir du XIe siècle. Donc je passe les Carolingiens, et voici ce que pour l'instant j'ai rédigé concernant les Capétiens. L'objectif n'est pas de tracer l'histoire typologique des émissions royales, mais de replacer le contexte dans lequel se situent les monnaies ecclésiastiques.
Je précise aussi que jusqu'au XIIIe siècle, les monnaies royales ne sont pas un "contexte" pour les monnaies ecclésiastiques : ce sont des monnaies parmi d'autres.

Voici une synthèse jusqu'à la commise de Philippe Auguste sur les biens de Jean sans Terre (1202-1204), qui change considérablement la situation pour les émissions seigneuriales (laïques et ecclésiastiques)

a. Des émissions diversifiées
Dans les monnaies recensées par l’ouvrage de Jean Duplessis, peu d’innovations sont le fait des premiers rois. Les ateliers du domaine royal restent plus constants dans leurs émissions, avec la récurrence des mêmes types : la croix, une inscription dans le champ. Il est toutefois délicat de définir un statut clair pour les ateliers de Sainte-Marie du Puy, Mâcon ou Dreux, et d'autres, où la typologie n'est pas proprement royale, hormis le nom du roi. Toutefois chaque atelier commence à avoir une activité propre, avec une continuité forte dans les types choisis. Cette continuité a pour conséquence que le phénomène de dégénérescence s'observe également dans les ateliers du domaine royal : la signification initiale de l'image représentée se perd, et progressivement les traits se déconstruisent pour former différents éléments à la disposition inconstante dans le champ. Le portail à Etampes, le monogramme dégénéré de Raoul à Château-Landon, en sont de bons exemples.
Au fur et à mesure que le roi accroît l'étendue du domaine royale, on n'observe pas sur les monnaies d'effort (ou de possibilité) pour homogénéiser la frappe dans les ateliers agrégés : jusqu'à Philippe Auguste, les deniers de Bourges montrent un visage barbu de face. Pourtant tout au long du XIe et du XIIe siècle, les Capétiens font preuve d'une volonté d'étendre progressivement leur emprise sur le royaume ; mais la monnaie ne participe pas à ce projet, ou plutôt y participe à sa manière : en restant telle que ses utilisateurs ont l'habitude de la voir. La seule marque de possession est la titulature royale, en légende – donc l'effet visuel est réduit. La monnaie est avant tout une source de revenus.

b. L'alpha et l'oméga
Parmi les types utilisés, celui qui nous intéresse le plus ici est l'emploi dès Henri Ier de l'alpha et de l'oméga, dans la région parisienne. D'abord suspendus à des cordons, puis aux bras de la croix du revers, ces deux lettres font leur réapparition sans doute pour la première fois dans le royaume à Paris avant les ateliers ecclésiastiques de Meaux et Corbie. Toutefois les émissions des ducs d’Anjou, des comtes du Maine, des comtes de Gien sont rigoureusement contemporaines des deniers royaux, et laissent planer un doute sous la première initiative. A la même époque, l’empereur Henri II (1014-1024) utilise lui aussi ces lettres dans le champ. Mais elles apparaissent de façon désordonnée, alors que sur les monnaies du royaume leur disposition autour de la croix a clairement une source (voire une signification) religieuse, tiré des Ecritures Saintes. C’est d’autant plus vrai pour les comtes du Maine, qui placent la légende Signum Dei Vivi, une des plus anciennes légendes religieuses des monnaies de l’époque féodale.
Ces lettres étaient déjà utilisées à l'époque mérovingienne, mais avaient disparu depuis le VIIIe siècle, et leur résurgence, très limitée (de Henri Ier à Louis VII), est spécifique à une période historique et une zone géographique délimitées : dans le corpus des monnaies ecclésiastiques, leur utilisation se passe essentiellement aux XIe-XIIe siècles, et n'atteint qu'exceptionnellement le XIIIe siècle. Les émissions sont surtout situées dans la moitié nord du royaume.
Il est difficile d'y voir un lien direct avec une certaine sensibilité religieuse qui serait propre à cette époque et aurait disparu ensuite. Peut-être parmi d’autres raisons, la simplicité de gravure de motifs identifiables aisément a-t-elle joué un rôle.

c. Le monnayage royal et les autres
Typologiquement, les émissions royales se comportent comme dans les autres ateliers du royaume : chaque atelier a ses spécificités typologiques (un ou plusieurs types, utilisés par les rois successifs) ; un phénomène de dégénérescence se prolonge jusqu’à la fin du XIIe siècle, qu’il ne faut pas comprendre seulement comme une maladresse des graveurs mais surtout comme un signe de ce qui était nécessaire pour les monnaies de l’époque – et de ce qui ne l’était pas.
On ne repère pas d’influence flagrante à cette époque entre les ateliers royaux et les ateliers ecclésiastiques. Ceux-ci existe déjà pour la plupart dès le Xe siècle, et ont leurs propres traditions1. La seconde vague d’émergence nette d’ateliers épiscopaux et abbatiaux date de la fin du XIIe siècle, à l’est de la vallée du Rhône, en terre d’Empire.
Si une influence peut être décelée, elle est plus marquée sur le plan politique que typologique : des monnaies dites « hybrides » apparaissent, mentionnant un nom d’évêque au côté du nom royal (Laon, Meaux, Reims).
Pour les ateliers laïques, plus nombreux à émerger aux XIe-XIIe siècles, il serait dangereux de se prononcer en l’absence de corpus constitué pour le cadre de cette étude. Une interaction est vraisemblable, mais certainement pas dominante : ce qui s’observe le plus sur les monnaies du royaume à cette époque, c’est la persistance de l’héritage carolingien dans la disposition du champ et du rondeau d’une part, et la particularisation croissante de chaque atelier, parallèlement à la persistance de certains types carolingiens, comme le monogramme cruciforme.
Par ailleurs se dessinent des zones d’influences pour certains types, dont l’exemple le plus marqué est le profil « chinonais », ou « bléso-chartrain ». Mais aucun type royal ne suscite des imitations aussi fortes alentour. Cela change avec l’extension du domaine royal.
Les types des XIe-XIIe siècles sont pour l’essentiel dérivés de ceux des Carolingiens. Rares sont ceux qui semblent sans précédent. Les plus populaires sont le temple et ses dérivés, la porte de ville, le monogramme, croix, la dégénérescence du mot REX/PAX, légende bilinéaire, des initiales diverses, tête de face ou de profil, la main bénissante, la main tenant une crosse, la crosse, la clef, le soleil et la lune, l’étoile, etc.

_________________________
1. Les ateliers ecclésiastiques du royaume en fonctionnement dès le Xe siècle : Chelles ; Corbie ; Saint-Andoche d'Autun ; Saint-Denis ; Sainte-Marie de Laon ; Saint-Fursy de Péronne ; Saint-Géry de Cambrai ; Saint-Martin de Tours ; Saint-Médard de Soissons ; Autun ; Beauvais ; Châlons-en-Champagne ; Langres ; Laon ; Le Puy ; Reims ; Soissons ; Jumièges ; Saint-Bertin de Saint-Omer ; Saint-Florent de Saumur ; Saint-Philibert de Tournus ; Maguelonne.

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